Philippe Croizon, amputé des quatre membres en 1994, a animé une conférence sur le thème de la résilience, lundi 5 décembre, au centre de rééducation de Kerpape, à Ploemeur (56).
Pendant une partie de l’après-midi, il s’est déplacé en fauteuil roulant dans les couloirs du centre de rééducation de Kerpape, en arborant, au-dessus de sa perruque et de ses grandes et fausses lunettes, un chapeau bariolé sur lequel était écrit « C’est mon dernier jour à Kerpape ». À quelques heures de faire ses valises, ce patient ne boudait pas son plaisir de pouvoir rentrer chez lui, à Crozon. « Ah, vous rentrez chez moi ! », lui a lancé cet homme avec qui il a discuté et dont il ignorait alors l’identité. « Vous habitez à Crozon vous aussi ? », a demandé le Finistérien. « Non, mais je m’appelle Philippe Croizon », lui a répondu, dans un éclat de rire, l’athlète handisport, 54 ans, aussi content de revenir dans l’établissement de soins que son interlocuteur d’en partir.
« Waouh, je suis capable de faire ça ! »
Vingt-six ans après avoir passé trois semaines à Ploemeur, l’ancien ouvrier métallurgiste a donc retrouvé, le temps d’une journée, ce qu’il décrit comme « la Rolls Royce des centres de rééducation », afin d’y animer une conférence sur le thème de la résilience. « Il s’agit d’aller au-delà de ce que l’on est capable de faire », a-t-il défini, avant d’illustrer son propos par son propre exemple, lui qui a perdu ses quatre membres après avoir été électrocuté en démontant son antenne de télévision, le 5 mars 1994.
« Dans un parcours de vie, il y a des accidents, on tombe, mais grâce aux gens autour de nous, on est capable d’accepter une nouvelle vie, un nouveau schéma corporel, a-t-il assuré. C’est dur, c’est long, ça peut prendre des années, mais au bout, on arrive à se dire : « Waouh, je suis capable de faire ça ! ». »
Optimiste de naissance
Dans son cas, « ça », ce fut notamment la traversée de la Manche à la nage, « l’Everest de la natation », le 18 septembre 2010. « J’avais 40 ans, j’étais gras comme un lardon et je ne savais pas nager, mais j’ai décidé de me lancer, pour montrer aux 99 % de gens qui disaient que ce n’était pas possible que si, ça l’était », a insisté ce membre revendiqué de la « Ligue des Optimistes ». « J’espère que l’on est contagieux », a-t-il glissé, avec le sens de la formule qui est le sien et qui lui sert, aujourd’hui, à essayer de faire bouger les lignes.
« J’ai arrêté d’être une victime »
« Le sport m’a permis d’aller vers les gens alors je dis aux parents : faites faire du sport à vos enfants, arrêtez d’avoir peur pour eux ! », a-t-il déclaré, avant d’élargir le spectre : « Quand tout le monde a peur, c’est gagné, on a une société de victimes, où plus personne n’est responsable de soi. S’il y a un problème, c’est de la faute de l’autre, du voisin, de l’entreprise… Moi, j’ai arrêté d’être une victime, je vais vers les gens, et j’appelle les autres à en faire autant. »