Une approche multidisciplinaire : médecins, ergothérapeutes, assistantes sociales, ingénieurs
Le CMRRF de Kerpape est un établissement SSR spécialisé engagé dans des projets de recherche et d’innovation, depuis le début des années 1980, sur de nombreux domaines :
- aide à la rééducation (robotique, réalité virtuelle)
- mobilité et conduite automobile
- domotique
- aide à la communication
- réinsertion socio-professionnelle
- …
Les appartements, en bref
Dans différentes villes de France, comme à Lorient, il existe déjà des appartements aménagés permettant aux personnes en situation de handicap d’expérimenter la transition entre la vie en établissement et la vie chez soi. Les appartements tremplins du CMRRF de Kerpape, véritables Living Lab « Santé & Autonomie », se situent encore plus en amont dans le processus de projet de vie autonome. Cette étape intermédiaire de mise en situation réelle, essentielle pour nourrir le cheminement personnel du patient, permet également de donner des indications indispensables à l’équipe pluridisciplinaire pour (ré)orienter les objectifs thérapeutiques. Il s’agit plus globalement d’aider à lever les obstacles au retour à domicile, qu’ils soient d’ordre matériel, architectural, humain, psychologique ou cognitif.
Ces appartements s’appuient sur la réhabilitation d’une partie d’un bâtiment situé dans le parc du centre de Kerpape pour y réaliser un studio de 38m2 et un T2 de 77m2 totalement adaptables aux handicaps moteurs et cognitifs. Ces deux appartements sont équipés différemment pour répondre à de multiples situations de handicap :
- du blessé médullaire avec un haut niveau de dépendance en fauteuil roulant électrique au traumatisé crânien sans difficultés motrices mais ayant des difficultés à s’organiser
- du jeune qui doit apprendre à voler de ses propres ailes à la personne âgée dont la mobilité est très réduite…
Origine du projet
Ce projet a pris naissance autour d’un triple constat :
Les ergothérapeutes ressentaient le besoin de disposer d’un outil permettant de valider avec la personne en situation de handicap des orientations concernant soit le choix de travaux à réaliser chez elle, soit d’aides techniques à acheter, soit la validation d’un programme de soins ou du projet de vie (autonome à domicile, avec ou sans aides humaines, en institution si ce n’est pas possible, ou dans des appartements de transition…). Autant de décisions « lourdes » pour le futur tant sur le plan financier que sur le plan des répercussions sur la vie sociale, familiale, mais aussi sur l’entourage et qui orientent les objectifs de travail de toute l’équipe thérapeutique.
Les ingénieurs du laboratoire d’électronique du CMRRF de Kerpape étaient confrontés à la difficulté de ne pas trouver dans le tissu professionnel existant des domoticiens suffisamment disponibles, compétents et spécialisés dans le domaine du handicap pour réaliser au domicile des patients les aménagements domotiques préconisés par l’équipe. La formation aux nouvelles technologies mises en jeu dans un système de domotique d’assistance (électricité, informatique, interface homme-machine…) est apparue comme une solution à proposer en se rapprochant du syndicat des artisans implanté sur le territoire breton.
Le syndicat des artisans (CAPEB 56) et Artipôle (coopérative d’artisans du bâtiment) cherchaient à se rapprocher des professionnels de la santé et de la réinsertion pour apporter aux artisans la sensibilisation au monde du handicap et la formation qui convient, tant les questions de dépendance liées à l’âge et aux situations de handicap sont devenues fréquentes dans leurs interventions.
Objectifs
La mise en situation de vie autonome permettant à un patient, accompagné éventuellement de son entourage, d’y séjourner une semaine pour construire son projet de vie
Le caractère innovant réside dans le fait de permettre aux patients d’expérimenter « le retour à la vie normale » avant même d’avoir fini leur rééducation et leur réadaptation. Cela passe par l’intervention de professionels (infirmiers et aides à domicile) extérieurs au CMRRF de Kerpape. Il s’agit globalement d’aider à lever les obstacles au retour à domicile, qu’ils soient d’ordre matériels, architecturaux, humains, psychologiques ou cognitifs. En parallèle, cela donne lieu à une évaluation par l’équipe thérapeutique, qui comprend plusieurs cibles :
- évaluer les troubles d’ordre cognitif dans un cadre proche du réel pour ajuster le programme thérapeutique, mais aussi évaluer/améliorer l’indépendance et l’autonomie en dehors du cadre institutionnel et sur la durée du séjour (une semaine)
- lever les appréhensions du retour à domicile : le T2 permet d’être en famille ou de loger une tierce personne (Le retour à domicile, pour les personnes ayant un handicap important ou pour celles qui n’ont pas la possibilité de le tester le week-end, est générateur d’inquiétudes souvent non-dites, mais bien réelles tant pour la personne que pour son entourage.)
- expérimenter très concrètement la répartition horaire et la complémentarité des infirmières et des aides à domicile et rechercher une synergie des interventions…
Les démonstrations/adaptations/essais d’aides techniques, de matériel, d’aménagements, de domotique par des professionnels de santé avec les patients et leurs familles.
Les appartements tremplins permettent de valider avec la personne en situation de handicap des orientations concernant i) le choix des travaux à réaliser ou de construction neuve, l’achat d’aides techniques et le projet de vie. Les essais « grandeur nature » permettent à la personne concernée, véritable acteur d’un projet adapté à sa situation future, de mieux formuler ses besoins et ses désirs en essayant le matériel, en en parlant, en chiffrant son achat, en testant des aménagements… Autant d’éléments qui servent de base de discussion avec un architecte, un artisan, un membre de la famille.
Les matériels installés sont volontairement différents dans les deux appartements (ces appartements ne sont pas le « show room » d’un fabricant) : choisis par les ergothérapeutes, ils sont de plusieurs marques souvent concurrentes. Les locaux sont ainsi aménagés pour offrir une autonomie optimum : cuisines aménagées (plan de travail et étagères réglables électriquement, plaque à induction avec système de sécurité, hotte aspirante commandable à distance, tiroirs motorisés…), salle de bain (siphon de sol, wc réglable en hauteur, lavabo réglable…). Les deux appartements sont de plus entièrement domotisés (contrôle à distance / automatisation possible des lumières, volets, portes, fenêtres, plan de travail, téléphone, télévision, téléalarme, portier audio-vidéo…).
La formation auprès d’artisans du bâtiment par une équipe pluridisciplinaire (ergo-thérapeutes, ingénieurs, médecins) sur l’aménagement, l’accessibilité, la domotique…
Les appartements tremplins servent de support pour l’information et la formation des artisans du bâtiment pour les sensibiliser au monde du handicap. Ces formations, mises en oeuvre depuis 2010, sont élaborées conjointement par les professionnels de santé du CMRRF et ceux du bâtiment (notamment CAPEB 56 et Artipôle). Une équipe pluridisciplinaire (ergothérapeutes, ingénieurs, médecins) y abordent différents sujets comme l’aménagement du domicile, l’accessibilité, la domotique et les technologies d’assistance associées.
La recherche appliquée pour le développement et la validation en situation réelle de nouveaux systèmes domotiques
Les appartements tremplins servent de plateforme expérimentale domotique pour :
- expérimenter et valider en situation réelle de nouveaux systèmes domotiques adaptés au handicap (logiciel de supervision, interface cérébrale, réalité virtuelle…)
- enregistrer des activités domotiques réelles (lors du séjour du patient) pour alimenter le travail de la communauté scientifique sur la reconnaissance automatique des activités de vie quotidienne, la détection de situation d’urgence…
Ces activités se réalisent notamment dans le cadre du projet HAAL (Human Ambient Assisted Living) du Lab-STICC, le laboratoire d’électronique du CMRRF étant associé à ce laboratoire.